19 octobre 2010

Logique versus Intuition

Lundi le 11 octobre, après avoir visité les chutes de Tarawera, nous nous sommes arrêtés à Whakatane, une ville un peu plus importante le long de la Côte Est, afin que je puisse placer mes photos sur Internet. Nous avons décidé en fin d'après-midi de continuer à longer la côte vers le Sud. En chemin, nous avons passé un très bel endroit avec vue sur la mer, où l'on aurait certainement pu stationner gratuitement pour la nuit, mais Pierre a aperçu une affiche avec une tente barrée qui signifie No Camping, alors nous avons continué pour un des sites du Doc Camping. Franchement, j'aurais préféré rester là, mais Pierre ne peut pas dormir s'il pense qu'un policier viendra nous demander de changer d'endroit plus tard... Nous avons manqué le premier Doc Camping, assez près de la ville de Taunga, et j'étais un peu déçue. Mais Pierre s'est dit que nous serions plus à l'abri du vent dans les montagnes (40 kilomètres de route de terre par contre). La route était vraiment étroite, très serpentine et ondulée, avec des précipices incroyables (Pierre a même fait la remarque que cela ressemblait à la route de Kuélap au Pérou). J'avais très peur et je ne me sentais pas bien du tout. À un certain moment donné, j'ai même pensé à me coucher à l'arrière du véhicule, mais je me suis dit que j'étais complètement ridicule. Pierre me trouvait « chialeuse ». C'est très difficile d'être intuitive lorsqu'on n'a pas de faits logiques pour s'appuyer, les gens logiques autour de nous trouvent cela tout à fait stupide. Et je comprends... Par exemple, lorsque nous avons acheté la van maintenant défunte, mon intuition me disait que la mécanique était tout à fait correcte. Mais Pierre se disait plus rassuré si nous faisions faire un test mécanique pour le vérifier, après l'achat qui était un dimanche (les garages sont fermés ici pour la fin de semaine), juste pour avoir l'esprit tranquille. La réponse que je recevais était que cela ne ferait aucune différence de faire vérifier la voiture ou non... Nous avons fait vérifier l'auto, et cela a coûté 558 dollars pour changer l'huile à transmission, qui n'avait probablement jamais été changée. Naturellement, cela a amené quelques doutes dans mon esprit. Est-ce que c'était vrai que cela ne faisait pas vraiment de différence de changer l'huile à transmission? Mais aujourd'hui, je comprends, avec la perte totale du véhicule, vraiment, cela ne faisait aucune différence! Bon, je me suis éloignée de mon sujet, en passant ainsi du coq à l'âne! Nous continuons donc sur cette route de terre étroite pour plus d'une heure, il pleut, Pierre va lentement car nous ne voulons pas manquer les affiches pour le camping, et nous apercevons un gros camion qui roule à toute vitesse vers nous, du même côté. Nous sommes alors à Toatoa, à quelques kilomètres du camping. Il faut dire que puisqu'il s'agit de routes de montagnes, les gens coupent souvent les courbes pour rouler plus droit, alors c'est sans doute pour cette raison que le camion était plus à droite (ici la conduite est l'inverse de la nôtre, les volants sont à droite et l'on doit rouler à gauche. Et la route (très étroite) laisse à peine passer deux camions, alors... Pierre, lorsqu'il a vu cela, a bifurqué rapidement du côté opposé, sans doute dans un réflexe d'auto-préservation, parce que de cette façon, il éloignait son côté du camion.  Peut-être aussi parce qu'au Canada on conduit à l'envers d'ici!  Mais d'une manière ou d'une autre, c'est moi qui ai reçu l'impact directement. Le pare-brise était cassé sur toute sa surface, le nez de la van avait été complètement embouti, c'est comme si elle avait tout à coup rapetissé de trois pieds. Je me souviens que Pierre est aussitôt sorti du véhicule en disant que nous étions chanceux de ne pas être blessés, mais moi je ne pouvais même pas bouger. La douleur était incroyable. Les deux jeunes qui nous ont frappés n'avaient même pas leur ceinture de sécurité,  mais leur camion était plus haut que le nôtre. Il s'agissait de deux jeunes chasseurs de 20 ans qui avaient raté 3 cibles dans la journée et qui avaient sans doute un peu bu. La porte du côté de Pierre n'était pas bloquée, mais la mienne était totalement coincée. Après quelques minutes, un vieux monsieur est arrivé pour nous dire qu'il appellerait l'ambulance, et il est revenu en nous disant que cela ne serait pas avant une heure (à cause de la route et de la température). J'ai sans doute dû gémir, parce que Pierre m'a dit très carrément que l'ambulance ne serait pas ici avant une heure et que cela ne servait à rien de me plaindre.   Il m'a dit « Endure ton mal, il n'y a rien d'autre à faire ». Les pompiers sont arrivés et ils se sont servis des « Mâchoires de Vie » pour dégager la porte. Ils ont cassé la fenêtre et taillé la porte. Les policiers ont regardé les traces, mais pour eux, parce que Pierre a tourné à droite plutôt qu'à gauche, ils ne pouvaient déterminer la responsabilité de l'accident. Il n'ont pas fait subir de test d'alcool aux jeunes gens. Les lois sont différentes dans ce pays, les jeunes peuvent conduire dès l'âge de 15 ans, et il semble que de réputation, les Néo-Zélandais soient les pires conducteurs au monde et que les accidents soient fréquents... Les ambulanciers m'ont ensuite glissé sur une civière jusqu'à l'ambulance. Ils ont essayé d'appeler un hélicoptère, mais apparemment qu'ils devaient d'abord se rendre à Tokopita, à cause de l'état de la route (j'imagine qu'ils n'auraient pu atterrir nulle par sur cette route sans accotements et si escarpée). Je me souviens que l'ambulancier m'a donné de l'oxygène et qu'il a examiné ma condition, en diagnostiquant fracture des côtes, légère fracture au pelvis, fémur amoché, et il a aussi dit: 'possible spinal injury'. Il a ensuite demandé d'avertir Pierre qu'il devait venir avec l'ambulance ou quitter avec les policiers, et il était un peu nerveux, je l'ai entendu dire: dites au mari que nous devons absolument partir dans 5 minutes... Les policiers devaient rester avec le véhicule jusqu'à l'arrivée de la remorqueuse et ils ont mis nos affaires dans la voiture de police. Lorsque Pierre est arrivé dans l'ambulance, je l'entendais raconter son voyage en Inde au conducteur. L'infirmier a pris des arrangements avec un hélicoptère à Tokipata, et cela a été très rapide. Je suis arrivée à l'hôpital de Tauranga vers 21 heures (l'accident a eu lieu à 18 hres). Ils ont pris des radiographies et ils m'ont dit que mon poumon gauche était « collapsed » mais qu'ils devaient attendre au lendemain matin pour que je puisse passer un scanner ou une radiographie (grève des radiologistes). Ils m'ont donné de la morphine et ils sont venus chaque heure vérifier ma pression et mon niveau d'oxygène. Le lendemain, j'ai passé une autre radio pour mes poumons vers 11 heures, et la chirurgienne est venue me voir en fin d'après-midi, en me disant qu'elle devait installer un « chest drain » pour le poumon perforé de toute urgence. Ils ont dû couper jusqu'au poumon pour placer le tuyau d'un pouce de diamètre, et là j'ai vraiment pleuré. Pierre n'a pas eu le droit d'assister. Il y avait trois infirmières pour me tenir, parce que je ne devais faire absolument aucun mouvement. J'ai tenu bon, parce que je voulais sauver mon poumon! Il y avait aussi risque de pneumonie si ma respiration n'était pas suffisamment profonde. Je pense que ces risques sont maintenant passés en grande partie. Cela fait maintenant une semaine que je suis ici. Ils devraient me donner mon congé aujourd'hui... Les 4 côtes fracturées ne sont pas confortables du tout, mais on n'y peut rien. J'ai hâte que tout cela soit derrière moi. Mon fils Érick m'a beaucoup soutenue, et il m'a donné de bons conseils. Il a même demandé que je lui envoie la radiographie du poumon gauche et la liste des médicaments prescrits pour qu'il la révise. C'est rassurant d'avoir un médecin dans la famille! Je dois avouer que je m'ennuie beaucoup de lui. J'ai dû changer, parce qu'avant, je n'aurais jamais osé parler du fait qu'il me manque. Je ne peux pas rentrer au Canada à cause de l'air pressurisé que l'on retrouve dans les avions, et je ne peux pas faire de plongée sous-marine ni rien qui implique des changements de pression. Pierre est censé acheter une autre van qu'il fera convertir en campeur (en enlevant les sièges arrière et en fabriquant un lit. On vient de me dire que je recevrai mon congé mardi matin (demain, le 19 octobre), parce que le poumon semble hors de danger. L'ACC de Nouvelle-Zélande prend en partie en charge les frais d'hôpital, d'ambulance, d'hélicoptère, et la dizaine de radiographies que j'ai subies depuis que je suis ici. Les coûts semblent être un peu moins élevés qu'aux États-Unis mais plus chers qu'au Québec.  Je devrai assumer les frais de médicaments lorsque je sortirai de l'hôpital, et demeurer dans un motel (environ 80$ par jour, le moins cher ici à Tauranga). Pierre avait pensé à trois ou quatre jours avant de reprendre le voyage, mais la travailleuse sociale parle de deux semaines... En parlant de Pierre, il travaille très fort pour trouver un véhicule, et son choix se porte présentement sur un Toyota Townace 1997. Par contre, il semble que les arrangements pour l'aménagement en campeur ne soient pas faciles. Il faut obtenir une permission du Bureau des Véhicules pour transformer une camionnette de sept passagers à 2 passagers.  Seulement pour faire enlever les sièges, il semble que les coûts sont autour de 300$.   Pour les rideaux, cela semble compliqué aussi. Nous n'avons pas les outils avec nous, (peut-être qu'on peut louer?) et le système de mesure est totalement en métrique, ce auquel Pierre n'est pas habitué.  Nous ferons de notre mieux.   Pour faire des rideaux, c'est très simple, mais cela semble tellement plus compliqué lorsqu'on est pas du tout libre de nos mouvements (je parle de moi, bien sûr).   Les gens de l'hôpital ici sont extrêmement gentils, je suis très chanceuse de profiter d'aussi bons soins. Le corps humain est extrêmement adaptable, c'est merveilleux de constater tout ce qu'il peut subir. Je suis contente de réaliser que nous pouvons passer à travers plusieurs expériences et apprendre de chacune d'elles. Par contre, j'essaierai de m'assurer que la prochaine voiture aura des coussins gonflables, mais ce n'est pas toujours évident lorsque nous choisissons des véhicules plus anciens à cause des coûts... Je repense à mes tantes, qui sont tellement pleines de vie, entre autres à ma tante Jeannine qui a passé à travers un cancer l'an passé, et j'imagine qu'un peu de cette force est en moi, qu'au niveau des gènes, cela a rejailli sur moi en quelque sorte. Enfin, j'espère... Mais je suis maintenant vraiment fatiguée, j'ai encore beaucoup de douleurs, alors je termine ici et envoie à tous mes amis et aux gens de ma famille mes meilleures pensées.  Profitez du fait d'être en santé, de pouvoir bouger, courir, sauter et danser librement.   Avec tout mon amour, Louise.

P.S: Le médecin vient de passer, j'ai encore de l'air dans le sac recouvrant le poumon gauche, ce qui l'empêche de reprendre son expansion. Il m'avaient enlevé le "chest drain" il y a une journée, sans pouvoir prendre de radiographies avant à cause de la grève des radiologistes, parce que les possibilités que l'air soit totalement évacué étaient bonnes et parce que les possibilités d'infection, si on garde autant de plastique à l'intérieur du corps, sont réelles.   J'avais le choix: qu'on me remette un autre drain chest et que je reste à l'hôpital ou qu'on me laisser aller, en espérant que l'air se résorbera (je dois retourner pour des radios dans une semaine). J'ai choisi de ne pas avoir d'autre chest drain, l'insertion est trop douleureuse. Je quitte donc l'hôpital mardi soir, pour aller chez une dame qui travaille ici à l'hôpital. Ce sera moins cher qu'à l'hôtel et plus confortable! Bisous, Louise.